Trois mots à propos de la Directive Européenne sur la gestion collective des droits d’auteur

publié le 3 juin 2015

Adoptée le 26 février 2014 par le Parlement européen et le Conseil européen, cette directive relative à la gestion collective des droits d’auteur et des droits voisins devra être transposée en droit français au plus part le 10 avril 2016. Cette directive vise à harmoniser le fonctionnement de la gestion collective en Europe. Elle le fait malheureusement d’une façon excessivement détaillée et complexe. Elle néglige au surplus de s’inspirer du droit existant dans certains Etats membres, comme la France, qui assurent un contrôle suffisant de la gestion collective, à certains égards plus adapté que le texte européen. Quoiqu’il en soit, la SACD est déjà en conformité avec un grand nombre de dispositions de la directive.

Recours à la gestion collective Un auteur est libre de recourir ou non à la gestion collective. La directive va plus loin : elle prévoit qu’il doit pouvoir choisir d’apporter la gestion de certains droits seulement – ou certaines catégories de droits ou d’oeuvres – à sa société et de conserver la gestion des autres. Le fractionnement par œuvres en place à la SACD (œuvres dramatiques et œuvres audiovisuelles), adapté aux secteurs qu’elle gère, ne devrait pas être remis en cause puisqu’il a été validé en 2005 par le Conseil de la concurrence. L’étendue territoriale des apports devra en revanche être légèrement modifiée pour offrir aux auteurs membres de la SACD la possibilité d’un fractionnement territorial plus fin que l’actuel fractionnement basé sur des groupes de pays.

Participation des auteurs membres aux décisions et au contrôle de la Société La directive prévoit tout d’abord la nécessité pour les auteurs réunis en assemblée générale d’approuver un certain nombre de politiques générales : règles de répartition des droits, déductions sur droits (les retenues statutaires), placements financiers et utilisation des droits « non distribuables », notamment. D’autre part, la directive prévoit l’obligation d’instaurer un organe de surveillance chargé de contrôler les « personnes qui gèrent les activités » de la société, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre des politiques générales approuvées par l’assemblée générale. Mais la directive manque de clarté sur l’organe compétent pour assurer cette mission. C’est pourquoi la loi de transposition devra préciser si ce rôle pourrait être assuré par tout ou partie du Conseil d’administration ou s’il serait nécessaire de le confier à un autre organe également composé d’auteurs membres de la SACD. Enfin, la directive admet que des restrictions puissent être apportées au droit des auteurs membres de participer et de voter à l’assemblée générale, ce qui ne devrait normalement pas remettre en cause l’actuel système de vote censitaire aux Assemblées générales de la SACD.

Règles de gestion des droits La directive précise un certain nombre de modalités concernant la gestion des droits. Elle fixe le délai de répartition des droits à 9 mois maximum, à compter de la fin de l’exercice au cours duquel ils ont été perçus. Des dérogations à ce délai de 9 mois existent toutefois dans le cas où des raisons objectives, tenant notamment au manque d’informations communiquées par les utilisateurs, les auteurs, ou encore les sociétés sœurs empêchent une répartition dans ce délai. En pratique, la SACD respecte déjà ce délai de 9 mois. La directive détermine également un processus détaillé pour identifier et localiser les auteurs membres pour lesquels les sociétés de gestion collective détiennent des redevances : en particulier, elles devront publier à l’attention de leurs membres, dans le délai d’1 an, la liste des œuvres pour lesquelles elles détiennent des droits en suspens. Cette même information devra être effectuée auprès du public dans le délai de 2 ans. Si à l’expiration d’un délai de 3 ans, ces sommes n’ont toujours pas pu être réparties malgré les démarches effectuées par les sociétés de gestion collective pour retrouver les auteurs, elles seront considérées comme étant des sommes « non distribuables » et pourront être utilisées conformément à la « politique générale d’utilisation des sommes non distribuables » décidée par l’assemblée générale, sans préjudice des actions en paiement des droits qui seront présentées dans le délai de prescription légale de 5 ans. La directive ne remet pas en cause l’affectation des sommes « non distribuables » issues de la gestion collective obligatoire (copie privée, câble) à des actions culturelles et sociales, ni la possibilité pour la société de décider de l’affectation des droits prescrits issus de la gestion collective volontaire. Enfin, la directive renforce également les obligations des utilisateurs qui devront fournir aux sociétés de gestion collective l’ensemble des informations pertinentes relatives à l’utilisation des œuvres, informations qui s’avèrent indispensables à la perception et à la répartition des droits. Transparence et informations La directive rend obligatoire la communication d’un certain nombre d’informations de la part des sociétés de gestion collective en direction de leurs membres, des utilisateurs et du public. A ce titre, le site internet des sociétés de gestion collective devra publier, outre les statuts et les conditions d’adhésion, de retrait et de démission, leurs frais de gestion et autres déductions, leurs règles de perception et de répartition, leurs contrats types, la liste des personnes qui gèrent la Société, la liste des accords de réciprocité, leur politique d’action culturelle et sociale et les procédures de règlement des plaintes et des litiges. De même, un rapport de transparence annuel comportant des informations détaillées de nature comptable et financière (certifiées par des commissaires aux comptes) devra être publié sur leur site internet dans les 8 mois suivant la fin de l’exercice et pendant une durée de 5 ans. On soulignera que la SACD fournit ou publie d’ores et déjà la plupart de ces informations. On peut regretter que d’autres acteurs intervenant également dans la gestion des droits, et qui ne sont quant à eux pas détenus ni contrôlés par des titulaires de droits, notamment les agents ou les éditeurs, soient laissés en dehors du champ d’application de la directive. Au-delà des critiques que l’on peut adresser au texte, il aura au moins un mérite : celui de renforcer la légitimité de la gestion collective en Europe et de créer des règles communes dans tous les Etats membres.

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