Précisions et confirmations sur la copie privée

publié le 13 mars 2015

La CJUE était saisie de plusieurs questions par une juridiction danoise sur la portée et les modalités de la rémunération pour copie privée. Elle a rendu un arrêt le 5 mars 2015, qui vient utilement confirmer ou préciser certaines interprétations de la directive de 2001 sur le droit d’auteur.
Pour ce qui est des confirmations, la CJUE rappelle que les copies de source illicite ne peuvent être considérées comme des copies privées et, par voie de conséquence, ne peuvent entrer dans le périmètre de la rémunération pour copie privée.
La Cour réaffirme également de façon très claire l’autonomie dont dispose chaque Etat membre pour définir les conditions de la rémunération pour copie privée. Elle souligne à cet égard que c’est aux Etats membres de fixer la forme, les modalités et le niveau de cette rémunération. Cette liberté s’exerce évidemment dans certaines limites et il convient que les critères retenus assurent que la compensation correspondant à chaque support soit en rapport avec l’usage qui en est fait à des fins de copie privée. C’est le cas du système français, puisque la rémunération est fixée par référence à des études d’usages qui permettent une mesure précise des pratiques de copies par type d’appareil.
Un aspect plus important de la décision concerne le lien entre la rémunération des droits au travers de licences et le paiement de la rémunération pour copie privée. De façon schématique deux thèses s’opposent sur cette question. La première revient à considérer que les copies qu’un particulier peut faire à des fins privées peuvent être comprises dans la licence qui lui donne accès à l’œuvre, et donc couvertes par le prix qu’il acquitte pour y accéder. L’avocat général avait pris position en ce sens. Il considérait notamment qu’il n’était pas conforme à l’objectif de la directive – une indemnisation adéquate des auteurs – de faire payer la rémunération pour copie privée au titre de copies qui auraient déjà été rémunérées en amont au moment de l’acquisition des œuvres.
La CJUE a retenu une autre approche, à vrai dire seule compatible avec l’esprit et la lettre du texte de la directive et, plus généralement, avec la nature de l’exception de copie privée. Elle a estimé que si un Etat choisit de faire échapper la réalisation de copies au droit d’autoriser préalable du titulaire de droit, le fait que ce dernier délivre une autorisation est sans portée, en particulier sur le montant de la rémunération pour copie privée. Ce raisonnement est conforme non seulement au droit mais au simple bon sens. Dès lors en effet que la loi d’un Etat membre décide d’introduire une exception pour copie privée, celle-ci, comme la rémunération qui lui est associée, ne peut plus faire l’objet d’aménagements contractuels ou de licences de la part de personnes privées.
On ne peut évidemment que se féliciter que la CJUE ait tranché en ce sens et apporte un nouveau démenti à des raisonnements qui avaient été suivis, notamment, dans le rapport de M. VITORINO.
Enfin, il convient de relever que l’arrêt de la CJUE, même si celle-ci n’était pas spécifiquement interrogée sur cette question, peut se lire comme permettant que les copies faites sur un espace de stockage distant (informatique en nuage ou « cloud computing ») relèvent du régime de la copie privée. La CJUE souligne à cet égard que la directive de 2001 est muette sur la nature du lien juridique entre la personne qui réalise la copie et le dispositif qui permet de la réaliser. Dans ces conditions une copie faite par un particulier à partir ou à l’aide d’un dispositif appartenant à un tiers a vocation à rentrer dans le régime de la copie privée, dès lors évidemment que les autres conditions en sont réunies. L’arrêt du 5 mars reprend au surplus dans les mêmes termes une définition de la copie privée qui avait déjà été retenue dans l’arrêt PADAWAN. La CJUE considère en effet que la rémunération pour copie privée peut être acquittée par les personnes  qui rendent à des particuliers un service de reproduction d’œuvres protégées.
Ces analyses faites au niveau européen rejoignent clairement les orientations du CSPLA dans son rapport sur l’informatique en nuage. Il serait souhaitable que le droit français s’adapte rapidement à cette nouvelle donne.

Hubert Tilliet

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