La parodie, entre nuisance et discrimination

publié le 10 janvier 2015

La CJUE et la cour de cassation à la recherche d’un juste équilibre entre liberté d’expression et droits de propriété intellectuelle

Dans deux décisions rendues à sept jours d’intervalle, les juridictions nationale et européenne ont eu à se prononcer sur l’exception de parodie. Aussi bien la CJUE  que la cour de cassation  portent une attention particulière à la recherche d’un équilibre entre les droits en présence : la liberté d’expression, fondement de la parodie, ne saurait excéder certaines limites.

Si la cour de justice a profité de l’affaire dont elle a été saisie pour consacrer la parodie comme notion autonome du droit de l’Union, elle laisse néanmoins toute latitude au juge national pour apprécier l’équilibre des intérêts en présence.

Dans l’affaire qui lui était soumise, il s’agissait d’un calendrier distribué par le membre d’un parti politique flamand reproduisant pour partie le dessin d’un album de la bande dessinée Bob et bobette. Alors que celui-ci montre un personnage portant une tunique blanche surmonté d’une hélice, survolant la foule à laquelle il jette des pièces de monnaie, apparait sur le calendrier en cause le maire de Gand, revêtu d’une tunique blanche distribuant des pièces de monnaie à des personnes voilées et de couleur. Est-on en présence d’une caricature politique bénéficiant de l’exception de parodie comme l’invoque le défendeur ou d’un détournement visant à transmettre un message discriminatoire portant atteinte aux titulaires des droits d’auteur et au principe communautaire de non-discrimination? Si parodier n’est pas discriminer, pour la cour de justice, Il revient au juge national d’apprécier, compte tenu des circonstances de l’espèce, si l’application de l’exception pour parodie respecte le juste équilibre requis.

Devant la cour de cassation, l’exception de parodie a été admise à propos d’une bande dessinée qui reprenait les traits et le nom d’un comédien ayant incarné le personnage du commissaire Maigret dans une série télévisée. Ses ayants droit invoquaient une atteinte au nom et à l’intégrité de son interprétation pour avoir dévalorisé son personnage en le rendant ridicule et grotesque. Or pour la cour, il n’y a eu aucune intention de nuire de la part des auteurs de la bande dessinée, seulement de tirer parti du décalage entre les enquêtes fictives du personnage de bande dessinée et l’interprétation que le public avait coutume de voir. Si parodier n’est pas nuire, en l’espèce pour l’utilisateur de l’œuvre, il s’agit juste de faire rire, ce qui répond bien à la condition requise de finalité humoristique.

La CJUE et la cour de cassation sont sur la même ligne : la parodie doit avoir une finalité humoristique et éviter tout risque de confusion entre l’œuvre parodiée et l’utilisation qui en est faite.

Ainsi, pour reprendre la définition de la cour de justice qui s’impose désormais aux Etats membres, la notion de parodie a pour caractéristiques essentielles, d’une part, d’évoquer une œuvre existante tout en présentant des différences perceptibles par rapport à celle-ci, et, d’autre part, de constituer une manifestation d’humour ou une raillerie. Mais une telle manifestation ne saurait excéder les limites de la liberté d’expression, notamment la prohibition des propos discriminatoires.

Nadia Walravens-Mardarescu

 

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