Liberté du metteur en scène, à la recherche du juste équilibre

publié le 19 juillet 2017

Dans une décision très attendue rendue dans l’affaire du Dialogue des Carmélites, la Cour de cassation réaffirme, sur le fondement de l’article 10, §2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la nécessité de rechercher un juste équilibre entre la liberté de création et la protection des droits d’auteur.

Dans son arrêt du 22 juin 2017, la Cour suprême casse l’arrêt de la cour d’appel pour avoir jugé que la scène finale de l’opéra de Georges Bernanos et Francis Poulenc mis en scène par Dimitri Tcherniakov en dénaturait l’esprit et interdit son exploitation dvd.

La Cour de cassation sanctionne la cour d’appel pour avoir considéré que la mise en scène de Tcherniakov dénaturait l’esprit des œuvres de Bernanos et Poulenc en ayant modifié profondément la scène finale, alors qu’elle avait retenu que la mise en scène litigieuse ne modifiait ni les dialogues (absents dans cette partie), ni la musique, et que la fin de l’histoire respectait les thèmes chers aux auteurs de l’œuvre première.

Elles sanctionne ensuite la cour d’appel sur le fondement de l’article 10, §2 précité invoqué par le metteur en scène,  pour n’avoir pas examiné en quoi la recherche d’un juste équilibre entre la liberté de création du metteur en scène et la protection du droit moral du compositeur et de l’auteur du livret, justifiait la mesure d’interdiction qu’elle ordonnait.

Cette décision s’inscrit dans la continuité de celle rendue dans l’affaire Klasen qui avait provoqué un véritable séisme dans le milieu du droit de la propriété intellectuelle, voir à ce sujet cette chronique. En effet, pour la première fois, la Cour de cassation rompait avec la conception orthodoxe du droit d’auteur pour adopter la logique de la Cour européenne des droits de l’homme rendue dans les affaires Ashby et Pirate Bay. Mais alors que dans ces dernières décisions la balance était opérée entre des auteurs et de « simples » contrefacteurs, ici l’enjeu est d’une autre ampleur : il s’agit d’arbitrer entre les droits de créateurs, l’auteur d’une œuvre préexistante et son adaptateur. Un changement de paradigme issu de l’influence des courants de réflexions suscités par la pratique des œuvres transformatives,  appropriationnistes et du fair use américain ?

Dans l’affaire du Dialogue des Carmélites la tâche est délicate pour les juges : où placer le curseur entre la liberté reconnue au metteur en scène et le droit moral de l’auteur de l’œuvre première ?

Nadia Walravens-Mardarescu

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