Liberté de critique et dénigrement en droit de la Concurrence
publié le 6 avril 2017
Une décision du 10 mars 2017 de l’Autorité de la Concurrence considère que la SACD a simplement exercé un droit de critique objectif.
La SACD réalise régulièrement des études sur les conditions juridiques et économiques de l’exploitation des œuvres dont elle assure la gestion.
En 2014 elle avait constaté la proportion importante d’œuvres audiovisuelles d’animation adaptées d’œuvres préexistantes éditées au détriment des créations originales, en particulier sur les chaînes du service public. Elle avait souligné que les évolutions récentes avaient pour effet de défavoriser la rémunération des auteurs puisqu’une partie des droits qu’elle gère était reversée aux éditeurs des œuvres littéraires utilisées comme point de départ des adaptations. Ces positions, rendues publiques, ont donné lieu à la saisine de l’Autorité de la Concurrence par la société de gestion collective représentant les éditeurs (SCELF).
Celle-ci estimait principalement que la SACD – qui gère les droits des éditeurs pour le compte de la SCELF – avait mené une campagne de dénigrement visant à diminuer la part des œuvres préexistantes dans la part des adaptations audiovisuelles.
Elle reprochait également à la SACD d’avoir expliqué à un syndicat de producteurs audiovisuels – dans une lettre qui n’était pas publique – qu’il n’était pas logique que les éditeurs imposent aux auteurs d’adaptations un partage minimum des droits au bénéfice des éditeurs à un moment où l’œuvre n’était pas créée et où, par conséquent, les paramètres d’un partage ne pouvaient être raisonnablement arrêtés.
L’Autorité de la Concurrence a très logiquement écarté ces deux griefs, sans même recueillir les explications de la SACD, ce qui démontre si besoin est qu’elle a considéré que la cause était entendue.
L’Autorité de la Concurrence a rappelé en premier lieu que le monopole dont bénéficie la SACD était de fait indispensable pour que les auteurs et leurs ayants droit (éditeurs) puissent bénéficier de rémunérations au titre des droits de diffusion par les chaînes de télévision.
Elle a ensuite expliqué que l’étude de la SACD portait une appréciation critique sur la politique des diffuseurs mais ne mettait en cause ni la SCELF, ni les éditeurs. L’étude n’était au surplus pas constitutive d’un dénigrement puisqu’elle n’excédait pas une appréciation critique de la politique éditoriale des chaînes de télévision, appréciation fondée sur des données objectives.
L’Autorité de la Concurrence a enfin écarté les reproches formulés à l’encontre du courrier adressé par la SACD à un syndicat de producteurs, ce courrier ne constituant pas une menace mais demeurant, au contraire, une invitation à poursuivre les discussions. La position de la SACD est donc restée dans les limites d’un désaccord normal entre deux acteurs d’un marché.
La saisine de la SCELF à l’encontre de la SACD a très logiquement été rejetée pour insuffisance d’éléments probants.
Hubert Tilliet
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