Pas d’épuisement du droit de distribution sur Internet ?

publié le 27 janvier 2015

L’épuisement du droit de distribution signifie que lorsqu’un auteur a autorisé la reproduction de son œuvre et sa commercialisation, il n’a plus la faculté de s’opposer à sa libre circulation, y compris sous forme de revente. C’est ce qui explique, notamment, que les auteurs n’ont aucun contrôle sur le marché de l’occasion, et ne touchent pas de rémunération à ce titre. C’est vrai pour le livre, comme pour les CD ou les DVD.

Un débat agite depuis quelques mois le milieu du droit d’auteur : l‘épuisement du droit de distribution s’applique-t-il aux œuvres mises à disposition sur Internet ou seulement aux supports physiques ? La réponse à cette question est évidemment essentielle, puisqu’une application de l’épuisement aux œuvres mises en ligne aboutirait à une utilisation très largement incontrôlée des œuvres, sans compter que la distinction entre le marché du « neuf » et celui de l’occasion sur Internet est extrêmement complexe à établir.

Un arrêt de la CJUE (Usedsoft)  a pu semer le doute. Il retenait l’épuisement du droit de distribution pour les logiciels, même lorsque ceux-ci étaient commercialisés en ligne. Aux termes d’un raisonnement qui laissait perplexe, la Cour avait en effet estimé que l’épuisement du droit s’appliquait pleinement dans la mesure où il s’agissait de « copies immatérielles ». La seule exigence de la CJUE était que la personne qui procédait à une nouvelle commercialisation supprime la copie du logiciel qu’elle détenait. On conviendra qu’une telle condition est pour le moins difficile à vérifier, bien que seule à même d’empêcher la multiplication des copies hors de tout contrôle des titulaires de droits.

Les logiciels étant protégés par le droit d’auteur comme les autres œuvres de l’esprit (littéraires, musicales, audiovisuelles, graphiques, etc.), certains avaient pu en conclure que dès lors qu’une œuvre avait été licitement acquise sous forme de fichier sur Internet, son acquéreur avait la faculté de la rediffuser, sans aucun contrôle possible, et sans aucune rémunération pour ses créateurs.

Cette conclusion semblait néanmoins hâtive. Il a en effet toujours été admis que l’épuisement du droit de distribution ne pouvait s’appliquer qu’à des exemplaires physiques d’une œuvre, dont la revente implique ipso facto le dessaisissement simultané de son propriétaire. C’était d’ailleurs en ce sens qu’avait tranché la jurisprudence américaine dans un arrêt Redigi.

Dans un arrêt du 22 janvier 2015 la CJUE semble aller dans le même sens et confirmer que l’épuisement des droits en ligne ne concerne que les logiciels, et non les autres œuvres. La Cour explique que le traité de l’OMPI sur le droit d’auteur et le législateur de l’Union européenne visaient expressément les œuvres incorporées à un bien matériel et, par voie de conséquence, les objets tangibles.

Cette mise au point devrait logiquement écarter tout doute quant au fait que l’épuisement du droit de distribution des œuvres de l’esprit ne s’applique pas à Internet.

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