Une victoire de la liberté de création saluée

publié le 11 juillet 2019

On sait combien les conflits de droit entre la liberté de création et la vie privée peuvent conduire à des procédures particulièrement douloureuses pour les auteurs.

Ce fut le cas pour Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre avec sa pièce de théâtre Les deux frères et les lions. David Barclay qui a assigné l’auteur et les théâtres (producteurs et diffuseurs) en 2018 a notamment demandé l’interdiction des représentations de la pièce jouée avec un vif succès depuis 2012 au motif d’atteinte à sa vie privée. Celui-ci a néanmoins été débouté par les juges qui ont considéré que celle-ci n’était pas démontrée.

Cette pièce qui relève du conte, de la fable et de la farce s’est attirée les foudres du milliardaire qui n’a pas supporté que l’auteur s’inspire de sa vie et de celle de son frère comme fil conducteur pour traiter du capitalisme et du paradoxe de l’application d’un droit féodal dans l’Europe du XXIème siècle.

Que dit la loi en présence d’un tel conflit ? Si chacun a droit au respect de sa vie privée (article 9 du code civil) la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine rappelle le principe de la liberté de la création et de sa diffusion (articles 1 et 2).

Comme le précise le Tribunal de grande instance de Caen dans son jugement du 4 juillet 2019, l’identique valeur normative de ces droits impose une recherche d’équilibre privilégiant la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime au regard des circonstances.

Or, les juges ont relevé que les faits réels repris dans le texte de la pièce étaient des informations connues de tous pour avoir été transmises par la presse et qui plus est anodines. Quant aux faits fictifs créés autour des grandes étapes de la vie de David Barclay susceptibles d’altérer les traits de sa personnalité, ils ne sont pas inventoriés par ce dernier.

Les juges en ont conclu l’absence de faits révélés inconnus, extraordinaires, intimes ou encore imaginaires et péjoratifs susceptibles de constituer une ingérence d’une particulière gravité dans la vie professionnelle, familiale, émotionnelle de David Barclay ou d’altérer sa personnalité.

S’il est évidemment légitime pour toute personne qui subit une atteinte à sa vie privée de vouloir y mettre fin encore faut-il qu’il y ait atteinte, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Et attaquer les auteurs en ce qui les touche au plus intime, leurs œuvres et leur diffusion, ne peut être examiné à la légère.

On se réjouit donc que les juges aient relevé la nature radicale des demandes au regard du principe de la liberté d’expression et de diffusion (David Barclay avait en outre demandé des sommes exorbitantes à l’encontre de l’auteur et des théâtres en réparation de son préjudice moral) et d’avoir rappelé qu’elles doivent se justifier par des atteintes d’une particulière gravité à la vie privée du demandeur, ce qui n’était à leurs yeux manifestement pas le cas. On ne peut dire à ce jour si cette décision est définitive.

Nadia Walravens-Mardarescu

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